OKSVO

Chapitre I
15 Décembre 2065.
Alors que la lune faisait pâlir les cieux, accompagnée des innombrables astres scintillants, un événement magnifique arrivait dans la tanière d'une simple louve. Elle s'apprêtait à donner naissance à une chose absolument somptueuse, la vie, l'amitié, la fraternité mais aussi la colère, la jalousie, la témérité. Le chaman à son chevet s'affairait à compter la fréquence des contractions, il se tenait prêt à réceptionner les cadeaux que la vie offrait à cette femelle. Le père quant à lui, brillait par son absence, rendant la tâche pour la louve éprise d'un mâle qui ne l'aimait guère bien plus difficile que ce que cela ne devait l'être. Le chaman conscient de la situation ne pipa mot de toute la mise bas, il se contenta de récupérer les petits paquets et de les placer près du ventre de la jeune mère. Le père daigna tout de même se montrer.
« - Regarde comme il sont..., avait commencé la mère, des larmes de joies perlant sur ses joues.
- Répugnants, cracha le mâle avec une grimace de dégoût, avant de s'éloigner de cette vision qu'il considérait d'horreur.
- ...beaux, avait-elle poursuivi presqu'inaudiblement, essayant tant bien que mal de faire abstraction des paroles rudes de son compagnon. »
Et c'est dans ce silence glacial que naquirent la fille de l'eau, celui de la terre, le fils de l'air et celle du feu.

Chapitre II
J'étais très proche d'Esmée. Elle était si douce si vous saviez. On rigolait, jouait apprenait ensemble. A cette époque on était tous très soudés mais il y avait quand même des affinités entre certains d'entre nous. Quand on n'était pas tous ensemble, ce qui arrivait rarement j'étais avec Esmée et Elvara avec Prometheus. Souvent Elvara nous embarquait dans des aventures, on sortait du camp en douce, on chassait, espionnait, courrait, escaladait. Il fallait dire que j'admirais Elvara. Elle était si courageuse je voulais être comme elle, alors souvent je l'aidais à entrainer les autres dans nos aventures. On adorait explorer le territoire, même si on avait pas le droit de sortir sans surveillance. Parfois maman nous couvrait, elle nous aimait mais plus tard on a comprit qu'elle nous aimait trop. C'est vrai elle ne nous grondait jamais, même quand on faisait de grosses bêtises. Souvent on nous engueulait, on nous disait qu'on devait arrêter de faire ce jeu de lequel de nous deux serai le plus con, qu'un jour on aurait des problèmes. Nous ça nous faisait rire, on se sentait libre, on se sentait fort, même si on se sentait bancal. En même temps c'est à cette période que notre géniteur à fondé une vraie famille, et nous on le regardait s'occuper de ses gosses, de sa compagne alors que tous les soirs maman pleurait quand elle croyait qu'on s'était tous endormi. Ouais c'était frustrant. On lui en voulait et on lui en veux toujours, encore plus aujourd'hui. Avec le temps, plus tard bien plus tard, je pense qu'on a fini par apprendre à l'oublier, enfin pas tous, pas complètement.

Chapitre III
Quand on est devenu apprentis je me suis beaucoup rapproché d'Elvara, nos mentors entretenaient une relation alors nous on pouvait facilement se soustraire à leur surveillance. Elle me donnait toujours plus de défis, ils étaient toujours plus fous, plus drôles ou plus durs. Et moi ça me faisait rire et ça me faisait me sentir plus fort. On passait beaucoup de temps tous les deux, parce que nos mentors étaient toujours ensemble, mais cela ne nous empêchait pas d'être très proche du reste de notre fratrie. C'était la meilleure période de ma vie.
J'aimais aussi beaucoup ma mentore, elle était douce, comme Esmée, et belle. Elle m'apprit la chasse, l'escalade, le combat. De jours en jours je devenais meilleur, je dépassais mes frères et sœurs d'une tête et j'étais déjà plus costaud. Elle me donna un conseil, qu'encore aujourd'hui je m'efforce de mettre en application. Remarque ce que les autres ignorent.

Chapitre IV
Cet après-midi là, on était de corvée au camp, jusqu'à ce qu'Elvara propose un nouveau défi.

« - Chiche ou pas chiche d'aller aux gorges sans l'autorisation de l'Alpha ?, un grand sourire farouche illumina son visage.
- Pas chiche, Elvara ! Cesse un peu tes enfantillages, la réprimanda Esmée.
- Et vous ?, nous lança-t-elle à moi et Prometheus, avec une moue dubitative.
- Tu sais très bien qu..., commença notre frère.
- Chiche, le coupais-je, Oh allez, on ne s'approchera pas du bord...
On se tourna vers Esmée, tout sourire, elle fit glisser son regard sur chacun d'entre nous à plusieurs reprises.
- ...D'accord...Mais on ne s'approche pas du vide ! Tu entends El' ?
Mais avant même qu'elle n'eut le temps de poser son regard sur sa cadette, cette dernière filait déjà à toute allure. »

En rien de temps on était aux gorges, on était tous devenus super fort en camouflage, aucun adulte ne nous avait vu. Elvara s'approcha du bord, moi à son côté, l'air nous fouettait le visage. La vue sur la vallée était splendide. Je me souvient encore de ce moment comme si c'était hier. Je la regardais, voyant un sourire candide étirer ses lèvres. On aurait dit un ange. Elle fermait les yeux, profitant de l'instant, elle était bien avec moi. C'est à ce moment que je m'aperçus que c'était ma présence qui l'aidait à se sentir mieux. Parce que j'étais le grand frère, je veillais sur eux. C'était la plus belle chose que je pouvais voir, mes frères et sœurs heureux malgré toute les merdes qu'on avait vécu. Je ne le savais pas encore mais c'était la dernière fois que je vis ce sourire. Soudain un cri brisa le silence, m'arrachant à mes douces pensées. Je me suis retourné, et vis une masse brune écraser Esmée. Prometheus se jeta dessus mais fut balayé d'un coup de patte. Je couru à toute allure, je devais protéger ma famille. La suite passa si vite. Le jeune ours m'envoya valser, j'ignorais la douleur, et ne pu retenir Elvara que de justesse, parce que je ne sais comment, Esmée se trouva à pousser l'ours dans le précipice à l'aide de ses postérieurs...et l'y accompagnait, la bête s'étant fermement accrochée à sa patte lors du mouvement. Le temps paru se suspendre à ce moment précis. On ne voyait plus là que des traces de sang, des touffes d'herbes arrachées pour témoigner du combat qu'il y avait la seconde précédente. Je me suis senti tomber, comme si j'étais en chute libre à quarante mille pieds, tombant dans un ciel lavande sans nuages. Je ne savais pas si je survivrais à cette chute.

Une fois en bas on trouva d'abord le corps sans vie de l'ours. On y prêta pas la moindre attention et on alla se placer au chevet d'Esmée. Ses membres étaient des dans angles bizarres, elle barbotait dans son propre sang.

« - Esmée..., murmura Elvara, je suis tellement désolée, tout est de ma faute, sa voix se cassa tandis qu'elle réprima des larmes qui finirent par couler sur son doux visage.
Le regard de sa sœur se porta sur elle avec une tendresse infinie.
- Chut... Tu n'es pas responsable El'..., ses prunelles vinrent ensuite se poser sur ses frères, Aucun de vous ne l'est.
L'atmosphère était chargé de désolation, des larmes perlant sur les visages des quadruplés.
- Je ne veux pas que vous vous sentiez coupables, reprit-elle, avec une difficulté apparente, je vous aimes tellement... restez fort pour moi, et pour maman, elle en aura besoin.
- On t'aime aussi, articula Prometheus.
- Si fort..., terminais-je. »

Alors que les hurlements de la meute – probablement alertée par notre absence – retentissaient non loin, Esmée souffla son dernier souffle, ses yeux se vidant de toute expression, tandis que les spasmes arrêtèrent de secouer son corps meurtri. Un silence de mort retentit alors, et on entendit quelqu’un, dans l’infini, chanter.




Chapitre V
Il ne fut pas compliqué de suivre leurs traces, et une patrouille les retrouvât couchés contre le corps froid de leur sœur. Aucun mot ne fut échangé. La scène témoignait d'elle-même, et il n'était pas question de leur faire la morale, ils avaient déjà payé d'une vie qui leur était chère leur erreur et personne n'aurait pu prévoir la présence de cet ours sur les terres de la meute. Les novices exigèrent de porter seuls leur défunte sœur, et personne ne s'y opposa. Ils rentrèrent dans un silence de recueillement et durent affronter leur mère qui s'effondra, les accablant d'un poids supplémentaire. Les quatre veillèrent Esmée toute la nuit, sans que le géniteur ne prenne la peine de les accompagner dans cette dure épreuve qui ne sembla pas le toucher pour le moins du monde – ils auraient, de toute manière, refusé sa présence. Au petit matin furent échangés quelques paroles de condoléances et s'en suivirent des semaines pendant lesquelles la famille tenta de faire son deuil, en vain.

Après la mort d'Esmée tout devint différent. C'était comme si on était des étrangers. L'ours m'avait salement amoché mais je ne me suis laissé toucher par le chaman qu'après l'enterrement de ma sœur. Mon oreille déchirée à eu tout le temps qu'il fallait pour s'infecter et j'ai perdu l'audition de cette oreille. Cela m'a retardé dans mon apprentissage, mais j'ai passé tout le temps que j'avais à m'entrainer. Je me suis refermé comme une huître, mais les autres aussi. Le plus dur c'était pour maman. Le temps n'arrangeait rien. Et puis un jour, Elvara à disparut, comme ça. Ce qui acheva notre mère. Il ne nous fallut pas longtemps pour comprendre qu'elle était partie de son plein gré, et surtout, qu'elle ne reviendrait pas. Cela nous à tous brisés. Comme si notre autre sœur mourrait à son tour.

A la suite de ça mère tomba malade. Après le cœur c'était le tour de son corps de dépérir. Moi aussi je voulais fuir, cette meute, ces membres, ces endroits qui me rappelaient Esmée. Mais je me suis occupé d'elle jusqu'à la fin. Cela avait été long, on essayait de trouver des traitements mais il n'y avait rien à y faire. Le chaman m'a même dit qu'il ne lui restait que quelques lunes à vivre. C'était dur à entendre. Le jour où elle décéda, j'étais brisé, évidemment, et Prometheus aussi. J'avais déjà tout calculé. Nous avons veillé notre mère tout les deux toute la nuit. C'était une nuit sans lune. Le lendemain mon frère et moi enterrâmes maman, et puis je parti. J'avais noté dans un coin de ma tête part où on avait pisté l'odeur d'Elvara, et je suis parti dans cette direction. J'ai marché longtemps. Et me voilà.